5 septembre 2012

Texte publié par l'Association du design urbain du Québec: http://aduq.ca/2012/08/berceau-du-canada/


Gaspé a toujours été représentée comme le symbole du «bout du monde », objet paradisiaque tant convoité par les touristes. Non seulement Gaspé regorge de richesses naturelles et paysagères diversifiées, voire rares et reconnues par le patrimoine de l’UNESCO, mais cette région qu’est la pointe de la Gaspésie s’avère être une des premières découvertes françaises de Jacques Cartier au moment de l’exploration des Amériques en 1534. Cet été, la ville fête son 477eanniversaire. C’est également cette année que Gaspé marque une nouvelle étape dans son développement, car elle amorce les travaux d’un projet de mise en valeur de son patrimoine, comprenant une partie du boulevard de Gaspé, aux abords du bassin. Les rapports fondamentaux à l’origine du continent, sans équivoque, font de la Ville de Gaspé, surnommée «le Berceau du Canada», un endroit qui mérite bien l’attention de tous.
Photos prises de la rive Ouest et Est du Vieux-Gaspé; montage: auteure.
MISE EN CONTEXTE
Après Jacques Cartier, il était coutume pour les nombreux voyageurs européens d’y faire escale. Gaspé n’a pas été fortifiée, malgré maintes demandes à Paris, avant d’être sous le contrôle de l’Empire britannique. Conséquemment, la pêche dans la baie n’a pris son essor qu’à partir du XIIIe siècle, moment auquel la ville fut véritablement colonisée. Le port de Gaspé connut ainsi la gloire pendant quelques centaines d’années. Ce sont à la fois les activités portuaires et le commerce entourant les produits de la pêche qui ont fait fleurir l’économie de la ville. Le tourisme, et plus récemment le développement d’énergies alternatives tel que le secteur éolien, complètent aujourd’hui le portrait d’une époustouflante épopée.
PROJET
Le projet d’aménagement d’une promenade et d’une station d’accueil et d’information, élaboré par Corporation Gaspéberceau du Canada, englobe un budget de 16 millions de dollars, majoritairement des fonds publics, répartis sur 4 phases et s’étendant sur près d’un kilomètre. C’est à la Pointe O’Hara (Vieux Gaspé), en plein centre-ville, que le projet entame sa première phase. Ces récentes transformations, qui bouleversent une parcelle du paysage, sont destinées à construire l’Esplanade des nationalités (française, anglaise et autochtone). Les concepteurs du projet développent un quai et cinq établissements qui retracent l’emplacement des anciens espaces de pêche et d’habitation.  On retrace alors la position centrale de la croix de Cartier qui dicte l’aménagement de l’espace.
Créé comme lieu de rencontre culturel et touristique où on commémorera les plus grands événements nationaux, le projet pourra mettre en scène des d’informations historiques relatant entre autre les premiers échanges avec les Micmacs ou la situation géographique favorable de Gaspé à moult stratégies durant la deuxième Guerre mondiale. Le projet sera également le théâtre d’autres visites et activités qui se renouvelleront annuellement. Le projet est accueilli de façon positive de la part des Gaspésiens et Gaspésiennes. Considérant que la population comptait plus de 15 000 habitants en 2011, l’ampleur du projet semble plutôt respectable à son échelle.
Affiche publique du projet; photo : auteure. Source: corporation de Gaspé.
Avec ce projet, Gaspé s’inscrit donc dans le mouvement de revitalisation riveraine qui a déjà transformé de nombreuses villes. Parallèlement, ce projet répond à une pression de la part de divers mouvements écologiques et des Nations Unies qui se soucient de la crise mondiale de la gestion de l’eau. Étant donné la position géographique du projet, celui-ci nous amène à nous questionner sur notre rapport avec l’eau au Québec.
EXEMPLE D’UN GRAND PROJET NORD-AMÉRICAIN QUI REMONTE AUSSI À LA SOURCE :
L’eau a longtemps été, et demeure, l’œuvre de notre destiné. On savait, bien avant l’aube de l’ère industrielle, que la végétation et les arbres dépolluaient et vivifiaient l’environnement. Les projets les plus inspirants proviennent sans doute de Frederick Law Olmsted, qui a légué une partie de son héritage aux Montréalais en façonnant le portrait de la montagne du Mont-Royal. Dans la ville de Boston, son projet The Esplanade fait le pont entre des enjeux similaires à Gaspé, tels que la préservation du patrimoine culturel et naturel; voilà qui coule de source.
Le projet de Gaspé s’inscrit dans une époque et un contexte bien différents, mais ces deux projets touchent à la question centrale de l’eau comme lieu commun et démocratique. Faire des liens sur des idées innovantes qui ont 150 ans de différence peut nous amener à remonter à la source de façon plus éclairée. À l’époque, les architectes paysagistes concevaient les plans pour assurer une saine oxygénation et un niveau d’hygiène supérieur. Comment considérons-nous les plans d’eau aujourd’hui?
Bien plus qu’un miroir pour le coucher du soleil, l’eau est aujourd’hui porteuse de nombreux enjeux. La réappropriation d’une berge entraine une réflexion certaine sur la durabilité du projet et sur notre usage et notre gestion de l’eau.
Extension de la Charlesbank à Boston, aussi appelée Esplanade, est une partie du projet de coulée verte Emerald Necklace, proposé par l’architecte paysagiste Frederick Law Olmsted, construit entre 1878 et 1896; montage: auteure.
On peut aisément remarquer, à travers les médias, la grande popularité des projets d’aménagement urbains qui redéfinissent les nombreuses rives marquées par l’industrialisation. Sensibilisés par une certaine crise de la gestion des eaux, il y a fort à parier que les villes Nord-Américaines seront de plus en plus nombreuses à entreprendre de tels projets. Des projets qui allient design urbain et conservation du patrimoine comme celui du Berceau du Canada représentent une excellente initiative d’un renouveau paysagé marqué par un important rappel historique, surtout lorsque l’objectif est aussi de limiter une artère routière sillonnant la rive. Ces projets permettent de mettre en valeur à la fois le patrimoine bâti et naturel d’un lieu.  Il ne faut pas perdre de vue que l’eau et la nature sont en soi notre patrimoine.
Olmsted ne prétendait pas que l’homme était supérieur à tout, car il avait compris que le projet de paysage à long terme est pertinent non seulement pour requalifier l’environnement, mais aussi pour recadrer l’écosystème (celui dont nous dépendons) avec l’homme. Que penserait Olmsted, un homme à l’avant-garde du design urbain, du courant que prend la pratique ces dernières années?
Rédigé par Carolyn Kelly-Dorais
Designer urbain, M.Sc.A, membre de l’ADUQ

30 avril 2012

Ludwig Mies van der Rohe et Montréal

Italiano

Mies (1886-1969)  aurait fêté ses 126 ans de naissance cette année.

Que s'est-il passé entre Mies et Montréal?

Voici ce que je me suis demandé lorsque j'ai réalisé sa présence architecturale en ville, il y a quelques années. Son travail est partout, mais en même temps, il est identifié par différentes institutions, que se soit par le Bauhaus en Allemagne ou l'Illinois Institute à Chicago. Ce qui me gêne un peu dans tout ça c'est que la première fois que j'ai vu ses oeuvres architecturales, j'étais en voyage d'études à Berlin. Peut-être que cela est tout à fait normal? Je ne sais pas. J'ai parcouru six mille kilomètres pour visiter, mais aussi pour réaliser mon ignorance au sujet des deux oeuvres que Mies ait conçu à Montréal. En somme, il existe quelques Mies qui aient évolué dans le temps: celui de l'Europe, celui de l'Amérique et celui de Montréal.


Comment apprendre à lire Mies?

Il importe peu, que l'on aime ou non, Mies van der Rohe, l'histoire de l'architecture ou le Mouvement Moderne. L'expérience et les sensations que l'on risque de vivre par contre, sont importantes pour être en mesure de le lire. Se sont les projets de cet architecte qui m'ont permis de mieux décrire l'architecture sans les yeux. En effet, certains de ses projets sont brutaux, froids et épurés, mais bien attachés à leur époque des années 30 à 60.

Lorsque j'ai visité le Westmount Square à Montréal, j'avais l'impression de me situer au milieu d'une maquette, comme si j'étais une figurine collée entre des tours de plastique; de simples formes. L'idée est de fermer les yeux pour entendre, et s'imaginer un portrait perceptuel de l'espace. Ici au Westmount Square, la transparence du verre (également le matériau qui permet de le reconnaître) laisse entrer les édifices adjacents, je dirais même que ce square les aspire littéralement. Le site (voir la photo plus bas), à la fois imposant et léger,  semble dominer le reste du patrimoine bâti autour. Mais où avais-je la tête? C'était le premier principe que de faire tabula rasa chez les modernistes!


Mies à Montréal:

Qui est Phyllis Lambert?

Mies et Phyllis en train devant la maquette du Seagram NY.
Phyllis Lambert est une grande architecte canadienne. Fondatrice du Centre canadien d'Architecture en 1979, elle a également participé à l'élaboration du Seagram Building et à l'élaboration de quelques projets au Canada, toujours auprès de Mies.

Westmount Square (1964-66)

Détail, CKD

Perception et variations:

Westmount Square, au-dessus du métro Atwater, CKD

Hauteur (verticalité), CKD


Ouverture (vide), CKD
Centralité (noeud), CKD


Station d'essence ESSO (Verdun), 1967-68
Concept projeté par Mies, par l'entremise du client newyorkais le Metropolitan Structure Inc. Hors d'usage depuis 2008, ce bâtiment est en attente de restauration.

Photo prise par le Studio FABG, architectes
Station-service ESSO, 201 rue Berlioz, Verdun, Montréal


La station en 1975, France Vanlaethem


Mies en Allemagne:
Die Wohnung a Stuttgart, 1927, immeuble à logement, CKD
Plan de localisation, no. 1-4, Weissenhof estate



Musée d'art à Berlin, 1928, auparavant maison d'un fabricant de soie, CKD

Neue Nationalgalerie, 1962-67, Berlin, CKD


«Bras de robot» en acier, CKD


Mies à New York:
Place devant le Seagram Building, 1954-1958, by night, CKD


Mies à Chicago:

Non seulement il fut architecte, mais également directeur de l'Illinois Instiute of Technology. Il a marqué l'architecture moderne dans cette ville, et à travers l'Amérique à partir des années 40, par sa fameuse structure en acier. Un bâtiment, tel que le pavillon S.R. Crown Hall est très révélateur de l'ensemble de son oeuvre.


La morale de l'histoire: Bien connaître sa ville, sa région, avant d'en connaître et d'en appronfondir d'autres.

Pour aller plus loin: http://www.miessociety.org/legacy/projects/


Moi et l'Italie (io e l'Italia), article paru dans le Corriere Italiano de Montréal

Carolyn Kelly-Dorais, scuola Santa Monica - Io e l'Italia - Corriere Italiano


Ceci est un article que j'ai publié dans le journal des Italo-canadiens de Montréal, l'hiver dernier. Pourquoi m'acharnerais-je à écrire en italien?  Les réponses sont claires dans ce texte. Il n'y a rien qui soit scientifique, urbano-analytique ou poétique... juste du coeur.


Traduction :

Moi et l'Italie : une mer, une mère

Pour moi, l'Italie est comme une mère. Chez elle, j'y suis née une seconde fois. Pour un bref instant, elle m'a accueilli les bras ouverts, de manière à ce que je la garde près de mon coeur, pour toujours. Elle m'a adoptée lorsque je suis allée travailler durant l'été. Tout d'abord, je suis arrivée aveugle, sans la connaître. Doucement, j'ai ouvert les yeux, et je l'ai vu: belle, grande et fière. La mer, elle, me berçait et je me reposais, flottant sur les vagues. Durant ce stage, j'ai non seulement appris l'italien, mais j'ai aussi appris à parler, de façon à ce que je puisse bien m'exprimer. En me laissant entrer, certaines personnes ont eu la gentillesse de répondre à mes questions et de nourrir ma curiosité. Je ne me serais jamais imaginé mettre autant d'efforts et me plonger dans cette captivante et passionnante aventure.

Les origines de l'Italie m'ont accompagnée à mon retour. Ce sont celles que beaucoup connaissent, et ce sont les mêmes que je mets à profit quotidiennement, soit par la culture, la cuisine, la langue et les traditions. Ce sont celles que m'ont offert les Italiens que j'aie eu la chance de rencontrer sur mon chemin. Ces souvenirs merveilleux, échangés avec ceux que j'ai connus pour diverses raisons, soit au Canada ou en Italie, me servent désormais à partager, sous forme d'histoires, une partie de moi à ceux que j'aime.

Ce qui m'a le plus marquée, c'est la propension des Italiens à venir en aide aux autres. Il m'était arrivé plus d'une fois de m'égarer en sol étranger. Je demandais des informations aux gens, bien naturellement. La première fois, j'ai été frappée de remarquer que ces gens se jetaient sur moi pour me sauver d'un certain danger. Après à cette expérience, les gestes que je pose envers ma famille reflètent ces élans de générosité.
Depuis, un petit morceau d'Italie a émigré dans mon esprit. À mon tour de faire découvrir un peu de ce pays, chaque jour aux autres, considérant que c'est un privilège pour moi. J'ai plaisir à voir un Italien sourire au moment où je lui fais goûter un petit plat typique du Sud que j'ai cuisiné; je me dis que j'arrive à quelque chose de bien.

Voici ce que sont mes rapports avec l'Italie.

2 avril 2012

La petite Italie de Montréal, au tout début

Italiano


Introduction
Pour mon cours d’italien, le Professeur Pellegrino nous a mandatés de présenter, chacun, une région italienne de notre choix. Pour ma part, j’ai décidé d’orienter mon travail sur une zone italienne très particulière, qui heureusement pour moi, ne coûte rien en termes de transport! J’ai choisi de parler de la petite Italie de Montréal et des Italo-canadiens. Je n’ai pas la prétention d’enseigner l’Italie, mais j’ai le plaisir de vous offrir un tour historique sur l’évolution du quartier italien, ponctué parfois de mon point de vue personnel; je considère qu’il est important de savoir comment cette culture s’est développée en sol franco-américain.

Boulevard Saint-Laurent, CKD

Lorsque j’y pense, j’aimerais bien connaître davantage ma culture québécoise à travers les voyages à l’étranger, étant consciente qu’il n’y en a pas tant que ça… Donc j’ai entamé cette petite recherche, car j’aime me balader dans le quartier italien pour y découvrir de nouveaux goûts, ou pour jaser avec commerçants. On dit que le quartier est plus italien que l’Italie. C’est probablement parce que, la communauté étant fracturée d’une certaine façon de son pays d’origine, a toujours maintenu ses habitudes et ses traditions depuis plus de 50 ans. Aujourd’hui, la petite Italie est en train de changer. Plusieurs résidents d’origine italienne déménagent vers la banlieue, et d’autres vendent leurs commerces. Il est certain que le marché immobilier domine les zones vacantes; ainsi poussent les condominiums.

La petite Italie à travers le temps
La révolution industrielle; pourquoi venir au Québec à cette époque?
Situés au confluent des réseaux fluviaux et ferroviaires, les voyageurs et immigrants étaient parfois contraints à s’arrêter ici, un peu au centre-est de la ville. Pour leur part, les Italiens y trouvaient des opportunités, du travail, mais on parlait français, et par le fait même on apportait des références latines semblables, en plus des valeurs religieuses (christianisme) que l’on partageait. La période entre 1880 et 1925 est caractérisée par l’immigration du nord de l’Italie. Par contre, la période entre 1950-1960 correspond davantage à l’immigration du sud de l’Italie.

1880— Le port de Montréal
Population italienne : environ un millier.
Environ un millier d’hommes sont arrivés en 1880, employés dans la construction du chemin de fer le Canadien Pacifique. À partir de 1860, une cinquantaine de famille d’origine italienne fut déjà intégrée dans le cycle économique (sculpteurs, commerçants et hommes d’affaires). Le secteur industriel était en plein développement, et de là, la communauté italienne aura saisi une excellente occasion de transformer pour toujours le visage de Montréal.
À cette époque, les conditions sanitaires étaient pour le moins précaires. Les nouveaux arrivants se rassemblaient dans le port, car ils étaient en peu de temps engagés à participer au développement des rails de chemin de fer. Ce sont de jeunes hommes célibataires qui s’établirent (temporairement pour la plupart au début), et la majorité d’entre eux auront épousé des Canadiennes françaises. Les limites du premier quartier italien se situaient de la rue Beaudry à Saint-Urbain, et de la rue Notre-Dame à Ontario (actuellement dans l’entourage du quartier chinois). En général, ils arrivaient des États-Unis, en train, à la gare Windsor (inaugurée en 1887 et fermée vers les années 1980), pour ensuite être embauchés quelques jours plus tard par des agents d’emplois italiens.



Famille italienne, début XXe siècle, source: héritage Montréal




Église Saint-Édouard et champ adjacent au quartier, source: mémorable Montéal






1900- Le Mile-End (à un mille des limites de la cité de Montréal)
Population italienne en 1903 : environ 3000 Italiens (ils entrèrent au Canada 3497 nouveaux arrivants en 1901).
Population italienne en 1905 : environ 4000 Italiens, dont 235 familles sont répertoriées (ils entrèrent au Canada 5930 nouveaux arrivants en 1905).
Après s’être établis à Montréal depuis quelques années, les Italiens d’origine trouvèrent les commodités la qualité de vie et la tranquillité près de la Station Mile-End, toujours positionnée autour du chemin de fer. En somme, ils vivaient mieux à cet endroit.
Le rôle du tramway, comme premier impact de la mobilité urbaine des immigrants : l’apport du tramway (moyen de transport en activité de 1893 à 1959) entrainera une vague de déménagements vers le nord.
1910 : formation de la Petite-Italie (dans le quartier Rosemont-la-petite-Patrie)
Cette zone était auparavant pourvue d’une terre libre, vierge et arable. Les Italiens économisèrent leur salaire et achetèrent ces terrains afin d’y construire des maisons et commerces, de même qu’une paroisse en 1911 (Notre-Dame-de-la-Défense). Ceux-ci se sont bien adaptés, avec leurs propres moyens, et le paysage se transforma peu à peu. Ils se sont approprié la terre et ont développé plusieurs jardins, privés ou communautaires. Ils ont apporté leur savoir d’Italie et ont cultivés, ici, divers types de légumes par exemple, que ce soient les tomates, les aubergines, que les Canadiens ne connaissaient pas ou ne savaient pas cultivés. Il faut noter que Montréal a profité, en primeur, de l’arrivée d’une agriculture méditerranéenne, puisque c’est à l’Après-guerre que les Nord-américains ont vraiment commencé à consommer ces produits.  
En 1920, il y avait déjà une dizaine de petites Italie en Amérique du Nord (Toronto, New York, Boston, San Francisco…). En 1930, 30 % des Italo-canadiens occupaient le territoire de la Petite-Italie de Montréal.
Ouvriers de masse : Les femmes italiennes trouvèrent également un travail et un revenu comme patronne de maison. Plusieurs d’entre elles formèrent des pensions chez elles. Elles recueillaient des chambreurs ( pensionnaires), établirent un prix fixe au mois en considérant le revenu de chacun. Ainsi, en se rassemblant, d’une certaine manière, ils purent avoir du temps libre et retrouver un sentiment d’appartenance.



Source: Ramirez, 1984































1950-1960 : La banlieue (Saint-Léonard, Montréal-Nord, Rivière-des-Prairies, LaSalle…)
Population italienne : Ce fut, durant cette période d’Après-guerre, la plus grosse vague d’immigration. Entre les années 1940-1960, Montréal accueillit plus de mille familles italiennes, c’est-à-dire des immigrants permanents, dont plusieurs travaillaient dans le domaine de la construction. Il y avait désormais 15 000 familles dans la région métropolitaine. Durant les années 50, la Petite-Italie est habitée à pleine capacité par les Italiens. En 2001 (statistique Canada), il y avait 224 460 habitants d’origine italienne, donc 6,6 % de la population totale de la grande région montréalaise.
Le rôle de l’automobile comme second impact de la mobilité urbaine : Les différents moyens de transport ont poussé les résidents de la ville (Italiens inclus) à s’éloigner de la pollution et des taxes toujours plus élevées.




Réfléchir aujourd’hui du développement de la culture italienne sur la trame urbaine, complètement américaine; comprendre l’échelle et le tissu urbain :
Il est intéressant d’analyser par quels moyens les Italiens ont pu trouver l’inspiration du parcellaire urbain américain particulier, déterminé par les ingénieurs civils et les propriétaires fonciers lors de l’évolution industrielle (1850-1930) de Montréal.

La trame urbaine de Montréal :
Le lotissement a été conçu, d’une partie, par les Sulpiciens durant le Régime français (1642-1760) pour qu’ils puissent maintenir l’accès vers les cours eaux, et d’une autre partie, afin de faciliter l’organisation cadastrale future (donc, prévoir à l’avance les ventes) des services municipaux, tels que l’aqueduc et les commodités publiques. Montréal présente une morphologie simple, mais du coup, elle a été longtemps sans planification urbaine, sans plan d’ensemble, puis depuis les 25 dernières années la municipalité s’en préoccupe. Les intérêts financiers du passé n’ont pas permis à la trame de suivre la forme naturelle de l’Île. L’ilot urbain de type «quadrilatère» (ou méthode «en damier») provient du cardo et decumano romain. L’ilot urbain montréalais, la grille orthogonale, s’identifie par la rue en montée (nord-sud) et la rue en côte (est-ouest).









Certains édifices de la Petite-Italie ont marqué le quartier à travers les années.


1. Le marché Jean-Talon et l’édifice Shamrock (1934 et 1931)*
Tout d’abord, le lieu était utilisé auparavant comme terrain de jeu pour l’équipe de crosse irlandaise, les Shamrock. Ensuite, l’édifice public adjacent au marché (de l’architecte Charles-Aimé Reeves), transformé en boulangerie Première Moisson aujourd'hui, était dans le passé la bibliothèque du quartier. Se sont les Italiennes qui ont initié en premier le mouvement de ce marché, en y vendant des produits exotiques à l’époque.
Marché Jean Talon, partie intérieur, CKD
L’édifice Shamrock*, est toujours demeurée la caserne de pompiers numéro 31, mais elle partagait l'espace avec le poste de police (déménagé).
Caserne 31, CKD





2. La casa d’Italia, 1936 *, 505 rue Jean Talon Est: lieu de communauté italienne, le fascisme était à l’affiche durant le pouvoir de Mussolini. À cette époque également, les Italiens manifestaient davantage pour préserver les liens avec la mère patrie. L’édifice a été rénové et agrandi en 2010.
La casa, angle Berri et Jean Talon, CKD
3. L’église de Notre-Dame-de-la-Défense, 1919 (Roch Montbriand, architecte) : Guido Nincheri (1885, Prato d’Italia, 1973, Rhode Island), celui qui a réalisé la fresque de l’église, fut un grand artiste surtout reconnu en Amérique du Nord. Prenez soin d’observer sur la fresque Mussolini à cheval au troisième niveau du bas, à droite. Avez-vous remarqué qu’il s’oriente dans le sens contraire des autres personnages?
Source:wikipedia
4. École Notre-Dame-de-la-Défense, 1933 (Eugène Larose, architecte)* : Cette école de niveau primaire, accueilli les élèves d’origine italienne, mais l’enseignement s’effectuait en français, anglais et en italien. On l’appelle aujourd’hui l’école La Petite-Patrie.
Pourquoi plusieurs Italo-Canadiens parlent-ils l’anglais, plus que le français? Après le Régime français, à partir de 1760, les Anglais et les anglophones ont eu un énorme pouvoir à travers le Québec, touchant par le fait même l’immigration, la religion et l’éducation. Les Italiens de seconde et troisième générations eurent plus de facilité à entrer à l’école protestante, où l’enseignement était donné en anglais, étant donné le manque de places dans les écoles catholiques francophones suivant l’Après-guerre.

5. L’Usine Catelli : Le monde des pâtes au Canada était dominé par la famille Catelli dans les années 1880. Cette usine a été construite en 1911, mais elle est, depuis plusieurs années, fermée et transférée.

6. Boulangerie Margherita (une institution dans le quartier), 6505, rue Clark (fondé en 1910) :1. La famille Janniello est mon premier contact avec l’Italie; lorsque je suis arrivée à Montréal il y a six ou sept ans. Le père d’une bonne amie à moi fut le propriétaire de Margherita durant 30 ans. Originaire d'Emilia Romagna, en Italie, il fut également candidat au doctorat en agronomie à l’Université de Bologne avant d’émigrer avec sa famille en 1971. La fille du propriétaire m’a appris à parler l’italien chez elle, et je ne lui en serai jamais suffisamment reconnaissante. La famille Janniello a enrichi à sa manière la bonne réputation du quartier avec la tradition de cuisiner le pain.

7. Pâtisserie (Pasticceria) Alati-Caserta 277, rue Dante: Ils font les meilleurs cannolli!

8. La Librairie italienne, 6792, boulevard Saint-Laurent : La première fois que j’y suis entrée, j’ai voulu m’enfuir! J’avais rougi parce que l’on s’adressait à moi en italien et je n’y comprenais rien. Somme toute, j’ai réussi à acheter Les aventures de Pinocchio, mon premier livre de la langue de Dante, version intégrale et originale.

Comment l’Italie est-elle liée aux racines de l’histoire de la Nouvelle-France (Montréal) ?: Giovanni Battista Ramusio.
Je ne pensais pas remonter à ce point dans le temps. J’ai trouvé Le Monte Real de Giovanni Battista Ramusio, tiré du livre « delle navigationi et viaggi».
Description du premier plan d’Hochelaga, futur Montréal :
Centre : Ramusio présente le village des Iroquois, situé au nord de la rive du fleuve Saint-Laurent. Sur ce territoire, il y avait cette tribu sédentaire de 1500 personnes environ, qui  vivait dans un bourg. Hochelaga voudrait dire «où l’on passe l’hiver».
Plan conçu par Giacomo Gastaldi, dirigé par Ramusio, 1556
source: banq.qc.ca
Gauche : ce sont les territoires agricoles, rectangulaires, ancêtres de l’ilot urbain d’aujourd’hui, qui sont présentés par Ramusio, diplomate de Vénétie. Ils s’orientaient au cours d’eau et au Saint-Laurent, de façon à ce que les habitants puissent parcourir facilement vers les accès d’eau.

agrandissement de la légende
Sa relation d’amitié avec Jacques Cartier, par l’entremise du roi français François 1er , lui permit de recueillir les informations des voyages, en 1535, de la partie septentrionale des Amériques, pour ensuite les publier. Polyglotte, il avait l’avantage d’échanger avec d'autres pays et de bien tracer les cartes géographiques. Il était responsable de plusieurs explorations, partout dans le monde, même s’il ne fut jamais allé. Selon les chercheurs et les spécialistes, Ramusio a réussi à décrire parfaitement le contexte géographique et la topographie en ce qui concerne la montagne du mont Royal (apparemment, il s’est trompé d’une dizaine de mètres de hauteur…).



Conclusion
Bien que le sujet soit ambitieux, j’ai tenté de simplifier l’argument au maximum; c’est un survol afin que l’on puisse comprendre ensemble le rôle que maintient l’Italie avec Montréal depuis le début de son histoire. En somme, les Italiens ont, depuis toujours, eu une image claire de la ville, et cela se voit à travers plusieurs époques, voilà ce que moi j’ai compris. Les Italiens l’ont finement analysée avant sa fondation en 1642. Ils ont participé à l’élaboration de la découverte de la Nouvelle-France. De Marco Polo à Vespucci, jusqu’à Christophe Colomb, ils ont été des figures importantes, mais avant tout des passionnés par le voyage. Ils n’ont pas seulement initié des échanges de biens envers les Amérindiens (même s’ils ne révélaient pas les mêmes intérêts que les Français), ils ont été prêts à guider, à être les yeux de l’Amérique entière, voulant eux aussi découvrir de nouveaux lieux pour faire croître le monde.
300 ans plus tard, durant une grande période de l’histoire de l’immigration au Québec, les Italiens ont construit une partie de Montréal et ont vraisemblablement cousu le tissu urbain du quartier de la Petite-Italie, au lieu d’être davantage nécrosés par le chemin de fer. Qu’est-ce que serait Montréal sans les Italiens? En outre, je n’ai que très peu entendu parler durant les études, d’une quelconque forme de reconnaissance, excepté celle d’ériger des statues sur la place publique du quartier.
Malheureusement, en ce moment, la Petite-Italie est en train de changer. Parfois lorsque j’y vais, je sens la mélancolie qui flotte entre les drapeaux, autour des lampadaires. Là, on y parle les dialectes, mais aussi l’italien. J’ai également entendu de certains Italiens, en visites à Montréal, sentaient que l’environnement et l’ambiance étaient différents au point de ne pas s’y reconnaître. Ils partagent la même culture, mais pas la même époque. Parfois ils se sentaient à l’aise, et d’autres fois ils ne trouvaient aucun repère. Notre petite-Italie est en train de devenir vraiment petite, mais je crois qu’elle sera préservée pour encore longtemps, parce que nous, Canadiens, nous en avons besoin!



* Édifices de style Art déco, qui appartiennent au programme antichômage dans les années 30, afin de stimuler la création d’emploi.






Bibliographie :       


                BENOÎT, Michel, GRATTON, Michel, Pignon sur rue, les quartiers de Montréal, Les Éditions Guérin littérature, Montréal, Canada, 1991, 393 p.


            LAROUCHE, Pierre., Montréal et l'urbanisme, hier et aujourd'hui, Éditions Villes nouvelles, Villes anciennes, Montréal, 1990, 131 p.

             RAMIREZ, Bruno, Les premiers italiens de Montréal, l'origine de la Petite Italie au Québec, Les Éditions du Boreal Express, Montréal, Canada, 1984, 136p. 

12 janvier 2012

L'architecture se définit (au sens large)?


Usine, 2009, Montréal
Fragments entre l'art, la science, la philosophie... 

À vrai dire, je ne suis pas architecte. Alors, en quoi ça me concerne? Diplômée en psychologie (bac, 2005), du jour au lendemain, pour diverses raisons, je décide de déménager, de m'inscrire à l'École de Design de l'UQÀM, puis je termine mes études avec une maîtrise en design urbain de l'Université de Montréal. En entrant en faculté, première semaine, je ne comprenais vraiment rien, car j'avais toujours été conditionnée à réfléchir à un tout autre monde (en fait plus pour le soigner...). J'ai dû chercher à me reconnaître dans tout ça! Éventuellement, pourrais-je intégrer une pensée psychologique abstraite avec un construit concret et réel? À l'aide!! J'ai donc entrepris une lecture intensive, et comme la plupart je devais me trouver des références «bien bâties» (Alberti, Le Corbusier, et Cie...). Comment on définit l'architecture? À quelle époque? Historiquement? Culturellement? Où, dans quelle région? En peu de temps, je me suis rendu compte, même en-dessous des théories les plus rationnelles, que l'on pense en fonction de ce que l'on aime dans la vie. Voilà la perception que j'ai ressentie. Ceux qui aiment la musique, les couleurs, ou bien les courbes de la femme (et oui), peuvent en être fortement influencés et accomplir un sens de créativité sans fin. Ça semble ultrasimple, mais les idées complexes ne s'associent pas toujours aux innovations.

Sigmund Freud, 1856-1939
Ma première définition de l'espace, élaborée en première année de faculté, intitulée «formes et compositions»: la forme architecturale dans le concept freudien de la personnalité.
Un des modèles de Sigmund Freud, psychanalyste autrichien, que je préfère est structuré dans la définition de la personnalité. Pourquoi ne pas «dé-composer» une maquette conceptuelle avec une théorie psychique? Je vous explique ma transition.

Le Ça, le Moi et le Surmoi, la théorie
Brièvement, Ce sont trois éléments construits de la psyché, qui s'influencent réciproquement, parce que liés ensemble, en chaque être humain.
Ça: Le pôle de l'instinct, en grande partie dans l'inconscient. Il est déterminé par le principe du plaisir.
Moi: Le second processus pour équilibrer et s'adapter à la réalité. Il agit comme médiateur.
Surmoi: Il s'attache, tel un précepte, aux restrictions morales, à l'influence de l'éducation et des parents.

Schéma conceptuel
Explication de l'Homme dans l'Espace, et l'Espace dans l'Homme
Nous voyons dans la maquette, que les formes, interdépendantes, se répondent et bougent continuellement. Le Moi se réfère au creux, entre le Ça, la partie ondulée, et le Surmoi, la partie plate à gauche. Ces trois construits sont conçus par couches, représentant les divers moments de la vie. Ça ressemble à une compétition mentale entre les trois, c'est-à-dire qu'à certaines étapes, un construit prend davantage de place qu'un autre. Par exemple, un jeune bambin (la couche la plus basse) se rapproche du Ça, car il a peu de blocages, il ne comprend pas tout à fait les limites que ses parents lui imposent, chanceux! Le volume cylindrique en bois, noeud formé au centre de la maquette, signifie la rencontre entre les trois éléments, comme des rapports structuraux. À partir de ce moment, le volume peut être le point de départ d'un projet.

Si ma maison était une cliente, il serait intéressant d'accueillir un psychanalyste, et le voir observer tous les angles du système, pour ensuite recevoir un diagnostic (bon j'espère!). Finalement, je ne me suis pas trop éloignée de mon ancien objectif professionnel de soigner le monde.

On devrait emmener les étudiants (du moins au Québec parce que je vois bien la problématique ici) à créer leur propre définition du champ, une au début, et une à la fin! Nous devrions échanger plus souvent sur le sujet, accorder plus d'importance, donc pas seulement dessiner!!! Pourquoi ne pas construire sa définition avant n'importe quoi d'ailleurs? Cela se fait actuellement? Je souhaite que l'on entende avec force cette jeune voix! C'est primordial de se rappeler que la définition évolue dans le temps, et également pour les étudiants!

À suivre...




10 janvier 2012

Le cinéma québécois durant la Révolution tranquille: comment est représentée Montréal à cette époque.

«Filmer est un geste politique. Filmer une ville c'est la reconstruire, la défaire, la détruire. Refonder un langage.» Jean-Luc Godard, Exposition au Centre Culturel Suisse à Paris.




Construction Place Ville-Marie 1961
source: ville.montreal.qc.ca

Construction Place Ville-Marie 1960
source: ville.montreal.qc.ca
Introduction
Dès l'invention de la caméra vidéo, le cinéma québécois a longtemps été contrôlé par le clergé les ses traditions. Durant la Révolution, dans les années 60-70, le cinéma québécois se transforma en une industrie démocratique relativement bien implantée. Il sera devenu le miroir de la province afin que la société puisse s'identifier. 

Une façon d'explorer de nouvelles possibilités pour s'émanciper
Suite à la Seconde Guerre mondiale et l'Expo 67, l'industrie économique occidentale a diffuser d'innombrables outils technologiques pour aller de l'avant dans notre désir de société. Cela permit entre autres d'acheter la caméra portative (crée par les Allemands durant la Seconde Guerre), offrant du coup une entière liberté de mouvement, ce qui facilitait es découvertes en ville. Afin de porter la réflexion du loin, ce dernier point mérite d'être examiné. Quel est le rôle de la modernité dans les films?  Est-il favorable, menaçant ou ambigu?

La modernité
Certains théoriciens définissent la modernité comme un concept au contraire de la tradition, au prolongement de l'idéal ( la philosophie des Lumières). D'autres, en revanche, contestent la modernité, étant près de l'aliénation (argument freudien), c'est-à-dire qu'elle serait vue comme un choc, un coup sauvage, liée à l'oppression. Il est désormais intéressant de démontrer que le cinéma a permis de faire vivre plusieurs sens de la modernité aux protagonistes, même s'ils ont la rupture au passé comme point commun.  Pour mieux comprendre, la Révolution se compare certainement à l'adolescence, parce qu'il est essentiel qu'elle se détache du passé afin qu'ele vive ses changements, qu'elle puisse mieux s'accomplir et progresser en avant.


Notre portrait avant la Révolution,
Séraphin, 1948
Comprendre brièvement le contexte politique
Avant les années 60, le Québec était une société soumise à la conformité (avec Maurice Duplessis au pouvoir, au parti de l'Union Nationale de 1944 à 1959). De façon générale, les ressources et l'ensemble de l'industrie québécoise étaient contrôlés par les Canadiens anglais et les Américains.  Le gouvernement de l'époque était soutenu par le clergé, pour protéger ensemble la langue française. Au départ, le cinéma fut développé dans les années 30, dans le but de maintenir les valeurs religieuses, à outrance malheureusement, au-dessus du peuple. Le soit-disant père de la Révolution, Jean Lesage (1960-66), entra au pouvoir et apporta un système public dit «moderne». Durant cette époque, il y aura un tas de nouvelles réformes concernant la santé, l'instruction, l'électricité, de même que l'économie, et j'en passe. Cette transformation politique marque un nouveau souffle avec ouverture, visibilité internationale, et ensuite émancipation des droits par rapport aux Canadiens français, en refusant donc le soutient du clergé. Dès ce moment, il faut entreprendre des actions politiques et débattre son point de vue de façon autonome. Le féminisme et le syndicalisme entrent aussi dans la vague des manifestations.

Slogan 1962, source: hydroelectricite.ca
Mon choix de films
J'ai choisi trois longs métrages qui dévoilent à leur façon, divers problèmes, mais reliés par les mêmes thèmes. J'ai soulevé quelques hypothèses pour mieux comprendre les conséquences. Comment les personnages principaux ont géré le conflit par exemple. Ce sont des problématiques se référant au milieu des années 60. Quels sont les opportunités, ou les dommages que la modernité laisse. Montréal est remplie d'espoir! En recueillant les observations, les objets principaux se classent: le rôle de l'Église, le centre-ville, la banlieue, la musique.



A. Trouble-fête, de Pierre Patry, par Coopératio, 1964: la modernité qui menace. (voir l'extrait vidéo  dans la version italienne.)
Ce film traite sur une révolte d'étudiants d'un collège classique, contre la gestion de l'autorité, autrement dit, les prêtres. Lucien, le protagoniste, est le chef du groupe d'étudiant. Ici son rôle est ambivalent, car il recule par peur tout au long du film, jusqu'à sa décadence. On sent de façon évidemment que la modernité est trop arrivée à la hâte, de manière à ce que les images, celles de nuit, soient de plus en plus accélérées, pendant que le jazz joue; c'est chaotique. Les images de jour font plutôt allusion à la sérénité. Le passage incertain vers la modernité épuise le protagoniste ( Lucien). À la fin, il étouffe de tourmente dans un lieu anonyme. Ce film est considéré, historiquement, comme premier pas dans la progression.
Les fugitifs la nuit
Les bons étudiants le jour
   

















B. La vie heureuse de Léopold Z, de Gilles Carle, par l'Office national du film, 1965: la modernité est favorable.
Ce film est une vraie comédie, qui évoque une atmosphère de joie, du début à la fin! Il constitue le portrait d'un citoyen normal, moyen, qui magnifie la banlieue (synonyme de succès en Amérique du Nord) ainsi que le centre commercial. Ici les personnages prônent des valeurs morales et catholiques, mais profondément attirées vers le rêve américain. On mêle les traditions (attachées au passé) au rythme de vie moderne. Les protagonistes vivent en harmonie avec l'individualité. Léopold est conducteur de camion-déneigeur, et il en est très fier. Il aime l'abondance, mais cela semble lui prendre de l'énergie, car lorsqu'il va à la messe, il arrive en retard. Il faut remarquer que l'église est positionnée derrière les commerces. Les priorités sont en train de changer.
La banlieue comme mode de vie 
L'église derrière les commerces















C. YUL 871, de Jacques Godbout, par l'Office national du film, 1966: la modernité à la recherche d'un équilibre.
Ce film est intitulé en l'honneur du code d'aéroport international de Dorval. À première vue, il y a un immense détachement entre le protagoniste et la ville, mais ce sont deux identités qui se ressemblent. L'histoire tourne autour d'un Français adopté, venu au Québec, à la recherche de ses parents, tous deux Roumains natifs, séparés par la Seconde Guerre mondiale (vous me suivez?). La première scène se déroule à bord de l'avion. Montréal est présentée à vol d'oiseau, pour un touriste. Durant son séjour, Jean, le protagoniste, rencontre peu de points de références; il est plutôt désorienté dans ses recherches. En rupture avec le passé, comme Montréal, il se remet en question, en marchant à travers des lieux restructurés. Jean est mal-à-l'aise, puis décide de ne pas rencontrer sa famille, n'y ayant plus d'intérêts. À mesure que le film avance, les paysages urbains se montrent froids, sombres et vides.
Promenade dans la nouveauté
Dans un stationnement, désorienté




















La place Ville-Marie est un objet qui évolue continuellement à travers les trois films
Qu'est-ce que la Place Ville-Marie? C'est un édifice qui porte sur ses épaules le symbole de la modernité depuis 50 ans, attaché à l'architecture international. Étrangement, c'est un édifice en forme de croix qui porte le nom de la Sainte Vierge. Il fut le gratte-ciel le plus haut du Canada (188 mètres, 44 étages) en 1962, conçu par trois architectes américains célèbres: Ming Pei, Henry Cobb et Vincent Ponte (urbaniste). La Place est quand même un succès quant à la fonctionnalité et la forme qui offre un ensoleillement maximal. Il ne faut pas oublier que la modernité dérange. Montréal, entre autres, a vécu un peu de tout, jusqu'aujourd'hui, c'est-à-dire la «menace», la «prospérité» et l'ambiguïté. A t'il été nécessaire d'effacer le passé, de détruire d'anciennes valeurs, pour recommencer du début? À travers le regard des réalisateurs sélectionnés, nous avons vu une ville en pleine crise, qui se débarrassa d'un tas de choses (on ne parlera pas du tramway...), en tout cas suffisamment pour mettre en danger l'identité propre de Montréal, sans mettre à profit ses références pour qu'elle puisse bien grandir. Suite à la Révolution, Montréal ne reconnaissait mal ce qu'elle avait besoin, et elle connu dans les années 70-80 une période de moindre qualité architucturellement parlant (voilà une des conséquences à la modernité). Les trois films évalués ont montré que la ville ne s'est pas assumé. Elle n'était pas prête, mais apprend de ses erreurs, et elle reste magnifique malgré tout.
Place Ville-Marie, 2010.
Place, vue vers le nord (Mont-Royal)


Bibliographie