10 janvier 2012

Le cinéma québécois durant la Révolution tranquille: comment est représentée Montréal à cette époque.

«Filmer est un geste politique. Filmer une ville c'est la reconstruire, la défaire, la détruire. Refonder un langage.» Jean-Luc Godard, Exposition au Centre Culturel Suisse à Paris.




Construction Place Ville-Marie 1961
source: ville.montreal.qc.ca

Construction Place Ville-Marie 1960
source: ville.montreal.qc.ca
Introduction
Dès l'invention de la caméra vidéo, le cinéma québécois a longtemps été contrôlé par le clergé les ses traditions. Durant la Révolution, dans les années 60-70, le cinéma québécois se transforma en une industrie démocratique relativement bien implantée. Il sera devenu le miroir de la province afin que la société puisse s'identifier. 

Une façon d'explorer de nouvelles possibilités pour s'émanciper
Suite à la Seconde Guerre mondiale et l'Expo 67, l'industrie économique occidentale a diffuser d'innombrables outils technologiques pour aller de l'avant dans notre désir de société. Cela permit entre autres d'acheter la caméra portative (crée par les Allemands durant la Seconde Guerre), offrant du coup une entière liberté de mouvement, ce qui facilitait es découvertes en ville. Afin de porter la réflexion du loin, ce dernier point mérite d'être examiné. Quel est le rôle de la modernité dans les films?  Est-il favorable, menaçant ou ambigu?

La modernité
Certains théoriciens définissent la modernité comme un concept au contraire de la tradition, au prolongement de l'idéal ( la philosophie des Lumières). D'autres, en revanche, contestent la modernité, étant près de l'aliénation (argument freudien), c'est-à-dire qu'elle serait vue comme un choc, un coup sauvage, liée à l'oppression. Il est désormais intéressant de démontrer que le cinéma a permis de faire vivre plusieurs sens de la modernité aux protagonistes, même s'ils ont la rupture au passé comme point commun.  Pour mieux comprendre, la Révolution se compare certainement à l'adolescence, parce qu'il est essentiel qu'elle se détache du passé afin qu'ele vive ses changements, qu'elle puisse mieux s'accomplir et progresser en avant.


Notre portrait avant la Révolution,
Séraphin, 1948
Comprendre brièvement le contexte politique
Avant les années 60, le Québec était une société soumise à la conformité (avec Maurice Duplessis au pouvoir, au parti de l'Union Nationale de 1944 à 1959). De façon générale, les ressources et l'ensemble de l'industrie québécoise étaient contrôlés par les Canadiens anglais et les Américains.  Le gouvernement de l'époque était soutenu par le clergé, pour protéger ensemble la langue française. Au départ, le cinéma fut développé dans les années 30, dans le but de maintenir les valeurs religieuses, à outrance malheureusement, au-dessus du peuple. Le soit-disant père de la Révolution, Jean Lesage (1960-66), entra au pouvoir et apporta un système public dit «moderne». Durant cette époque, il y aura un tas de nouvelles réformes concernant la santé, l'instruction, l'électricité, de même que l'économie, et j'en passe. Cette transformation politique marque un nouveau souffle avec ouverture, visibilité internationale, et ensuite émancipation des droits par rapport aux Canadiens français, en refusant donc le soutient du clergé. Dès ce moment, il faut entreprendre des actions politiques et débattre son point de vue de façon autonome. Le féminisme et le syndicalisme entrent aussi dans la vague des manifestations.

Slogan 1962, source: hydroelectricite.ca
Mon choix de films
J'ai choisi trois longs métrages qui dévoilent à leur façon, divers problèmes, mais reliés par les mêmes thèmes. J'ai soulevé quelques hypothèses pour mieux comprendre les conséquences. Comment les personnages principaux ont géré le conflit par exemple. Ce sont des problématiques se référant au milieu des années 60. Quels sont les opportunités, ou les dommages que la modernité laisse. Montréal est remplie d'espoir! En recueillant les observations, les objets principaux se classent: le rôle de l'Église, le centre-ville, la banlieue, la musique.



A. Trouble-fête, de Pierre Patry, par Coopératio, 1964: la modernité qui menace. (voir l'extrait vidéo  dans la version italienne.)
Ce film traite sur une révolte d'étudiants d'un collège classique, contre la gestion de l'autorité, autrement dit, les prêtres. Lucien, le protagoniste, est le chef du groupe d'étudiant. Ici son rôle est ambivalent, car il recule par peur tout au long du film, jusqu'à sa décadence. On sent de façon évidemment que la modernité est trop arrivée à la hâte, de manière à ce que les images, celles de nuit, soient de plus en plus accélérées, pendant que le jazz joue; c'est chaotique. Les images de jour font plutôt allusion à la sérénité. Le passage incertain vers la modernité épuise le protagoniste ( Lucien). À la fin, il étouffe de tourmente dans un lieu anonyme. Ce film est considéré, historiquement, comme premier pas dans la progression.
Les fugitifs la nuit
Les bons étudiants le jour
   

















B. La vie heureuse de Léopold Z, de Gilles Carle, par l'Office national du film, 1965: la modernité est favorable.
Ce film est une vraie comédie, qui évoque une atmosphère de joie, du début à la fin! Il constitue le portrait d'un citoyen normal, moyen, qui magnifie la banlieue (synonyme de succès en Amérique du Nord) ainsi que le centre commercial. Ici les personnages prônent des valeurs morales et catholiques, mais profondément attirées vers le rêve américain. On mêle les traditions (attachées au passé) au rythme de vie moderne. Les protagonistes vivent en harmonie avec l'individualité. Léopold est conducteur de camion-déneigeur, et il en est très fier. Il aime l'abondance, mais cela semble lui prendre de l'énergie, car lorsqu'il va à la messe, il arrive en retard. Il faut remarquer que l'église est positionnée derrière les commerces. Les priorités sont en train de changer.
La banlieue comme mode de vie 
L'église derrière les commerces















C. YUL 871, de Jacques Godbout, par l'Office national du film, 1966: la modernité à la recherche d'un équilibre.
Ce film est intitulé en l'honneur du code d'aéroport international de Dorval. À première vue, il y a un immense détachement entre le protagoniste et la ville, mais ce sont deux identités qui se ressemblent. L'histoire tourne autour d'un Français adopté, venu au Québec, à la recherche de ses parents, tous deux Roumains natifs, séparés par la Seconde Guerre mondiale (vous me suivez?). La première scène se déroule à bord de l'avion. Montréal est présentée à vol d'oiseau, pour un touriste. Durant son séjour, Jean, le protagoniste, rencontre peu de points de références; il est plutôt désorienté dans ses recherches. En rupture avec le passé, comme Montréal, il se remet en question, en marchant à travers des lieux restructurés. Jean est mal-à-l'aise, puis décide de ne pas rencontrer sa famille, n'y ayant plus d'intérêts. À mesure que le film avance, les paysages urbains se montrent froids, sombres et vides.
Promenade dans la nouveauté
Dans un stationnement, désorienté




















La place Ville-Marie est un objet qui évolue continuellement à travers les trois films
Qu'est-ce que la Place Ville-Marie? C'est un édifice qui porte sur ses épaules le symbole de la modernité depuis 50 ans, attaché à l'architecture international. Étrangement, c'est un édifice en forme de croix qui porte le nom de la Sainte Vierge. Il fut le gratte-ciel le plus haut du Canada (188 mètres, 44 étages) en 1962, conçu par trois architectes américains célèbres: Ming Pei, Henry Cobb et Vincent Ponte (urbaniste). La Place est quand même un succès quant à la fonctionnalité et la forme qui offre un ensoleillement maximal. Il ne faut pas oublier que la modernité dérange. Montréal, entre autres, a vécu un peu de tout, jusqu'aujourd'hui, c'est-à-dire la «menace», la «prospérité» et l'ambiguïté. A t'il été nécessaire d'effacer le passé, de détruire d'anciennes valeurs, pour recommencer du début? À travers le regard des réalisateurs sélectionnés, nous avons vu une ville en pleine crise, qui se débarrassa d'un tas de choses (on ne parlera pas du tramway...), en tout cas suffisamment pour mettre en danger l'identité propre de Montréal, sans mettre à profit ses références pour qu'elle puisse bien grandir. Suite à la Révolution, Montréal ne reconnaissait mal ce qu'elle avait besoin, et elle connu dans les années 70-80 une période de moindre qualité architucturellement parlant (voilà une des conséquences à la modernité). Les trois films évalués ont montré que la ville ne s'est pas assumé. Elle n'était pas prête, mais apprend de ses erreurs, et elle reste magnifique malgré tout.
Place Ville-Marie, 2010.
Place, vue vers le nord (Mont-Royal)


Bibliographie




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